L'origine indienne des Tsiganes a été déterminée dès la fin du 18ème siècle par la langue. Mais d'après des textes mi-historiques mi-légendaires, dès le 10ème siècle, quelques milliers de tsiganes (appelés alors « Zott », « Rom » ou « Dom ») auraient été envoyés par un roi d'Inde du nord à son cousin le roi de Perse pour exercer auprès de lui leur talent de musiciens. L'autre version, moins romanesque, est celle de la première expulsion de cette communauté, la première d'une longue série. Migration. Après un long séjour en Perse, les tsiganes poursuivirent leur voyage divisés en deux branches : l'une en direction du sud-ouest jusqu'en Egypte et l'autre vers le nord-ouest par l'Arménie et les contreforts du Caucase.
L'origine des fanfares tsiganes remonte aux fanfares militaires turques qui firent leur apparition pendant l'occupation ottomane au siècle dernier. Ces cuivres ont durablement influencé la musique des balkans, en Bulgarie, en Moldavie, en Macédoine, en Serbie et en Roumanie. Depuis lors, la musique s'est transmise oralement de génération en génération, les traditions des Balkans perfusées d'un sang et d'un savoir faire tsigane. Un « autre chose ». Une musique des balkans nouvelle, festive, traversée d'éclats indomptés et sauvages.
Dans un environnement hostile, les tsiganes n'ont pas d'autres moyens d'expression que la musique et la danse. Une musique qui traduit pleinement la « folie » teintée de mélancolie de cette « tribu prophétique aux prunelles ardentes ». Le tsigane est l'homme du « vivre avec », les occasions de se réunir sont recherchées et la fanfare est toujours de la fête : rythmes effrénées, extase, tourbillons improvisés, désinvolture, sensualité, cocek (danses de femmes), ora (danse collective en cercle) jusqu'à cette transe éthylique caractéristique.
Afrique, destination l'Amérique, à fond de cale. Des millions d'esclaves africains font cette traversée, de 1619 à la fin du 19ème siècle, qui les mène dans les plantations cotonnières des états du Sud. Les y attendent l'arrachement à leurs cultures, la séparation d'avec leur famille, la soumission, la misère… des perspectives et des conditions de vie qui habiteront le blues, éternellement.
Une longue histoire
C'est une inconnue, Charlotte Forten, qui, la première, évoque le mot "blues" dans son journal personnel. 14 décembre 1862 : "Je suis rentrée de l'église avec le blues. Me suis jetée sur le lit et pour la première fois que je suis ici, je me suis sentie triste et très misérable". Bien sûr, il n'y a là aucun rapprochement musical mais l'esprit blues est bel et bien présent déjà : cafard, cœur gros, mélancolie, broyer du noir ("to be blue")…
La musique ne tardera pas à rejoindre cette humeur qui n'est pas sans rappeler le fado portugais, la saudade brésilienne, les mornas cap-verdiennes, les ballades d'Afrique de l'Ouest, la tradition de la nostalgie, du mal être chanté. Toutes les formes musicales qui donneront le blues sont imprégnées de culture africaine (voire européenne parfois) et servent la cause du peuple noir américain, la musique étant leur seul et unique espace de liberté, si l'on peut parler de liberté. Les work songs, ces chants de labeur des esclaves, rythment le travail dans les champs de coton et le rendent moins pénible. Un leader, le holler, lance une phrase musicale que reprennent avec ferveur ses compagnons de misère, les fieldhollers.
Ce système de question-réponse inhérent au blues est donc né dans les exploitations, notamment dans la vallée du fleuve Mississippi où la loi de la ségrégation règne en maître. Un besoin de soumettre sa "blanche pensée" qui a débuté dès le premier pied de couleur posé sur le sol d'Amérique : les missionnaires anglo-saxons christianisent par compassion les esclaves à grand coup de cantiques et d'évangiles. Les hymnes baptistes et évangélistes eurent leur effet bienfaiteur puisque, une fois entre les cordes vocales des esclaves, ils devinrent negro spirituals et, par là même, un mode d'expression, le seul autorisé d'ailleurs. Les negro spirituals, scandés par le preacher à ses fidèles, véhiculent la parole divine synonyme d'espoir pour la communauté noire.
Le futur blues se fait de plus en plus sentir. Son histoire va se lier aux conditions socio-économiques de la guerre de Sécession : développement de l'industrie, disparition progressive des plantations. Les noirs américains doivent, pour une bonne partie, changer d'activité et migrer vers le nord. L'esclave du coton devient esclave sous-prolétaire aux portes des villes dans des cabanes insalubres, en proie à l'alcoolisme, à l'illettrisme. Pauvreté, mépris et instinct de survie collent à la peau de ces noirs américains dont on voit mal comment leur musique aurait pu être gaie ou même optimiste. Qui dit développement de l'industrie dit divertissements, tripots, maisons closes. L'occasion est trop belle pour les musiciens de s'y implanter. C'est ainsi que des songsters, des musiciens-chanteurs-conteurs (l'équivalent du griot africain) souvent handicapés, aveugles ou rejetés par leurs frères vont errer de village en village en échange du gîte, du couvert et d'une bonne bouteille de whisky.
D'autres musiciens officient au piano dans les bars, au banjo (hérité du banza africain) ou au violon dans les campements et les rues. Les ballades qui ressemblent de plus en plus à du blues sont ainsi colportées malgré les associations secrètes du Ku Klux Klan et des Chevaliers du Blanc Camélia, sont reprises dans le pays, sont modifiées et n'attendent plus qu'à être gravées sur "galette noire".
Quand le blues rencontre le disque
Désormais, au début du siècle, le blues est partout, des métropoles du Nord jusqu'au fin fond des états du Sud. Mais paradoxa-lement, ce ne sont pas les disques les plus représentatifs du blues qui vont les premiers tourner sur les gramophones. Les maisons de disques Paramount, Decca, Okeh misent sur des chanteuses de blues issues des spectacles ambulants de music-hall, accompagnées par un orchestre. L'album "Crazy blues" de Mamie Smith en 1920 se vend à 75 000 exemplaires par semaine et marque les débuts enregistrés du blues.
Les « Classic Blues Singers », Bessie smith, Gertrud"Ma"Rainey, Ida Cox, envahissent les General Stores (bazars du Sud) et les catalogues de vente par correspondance, sans pour autant rencontrer le succès qui va être celui des bluesmen ruraux du Sud, plus proches du public.
Delta Blues, Texas blues et East blues
Les années 20-30 donnent finalement raison aux amateurs. Les blues du Delta du Mississippi, du Texas et de la côte Est se partagent la vedette. Les états du Mississippi, de l'Arkansas, de l'Alabama, réputés pour leurs lois ségrégationnistes contraignent la communauté noire à l'isolement. Voilà une raison évidente pour que le pays de Tom Sawyer voit naître un blues plus typique, plus authentique, à l'atmosphère déchirante dont les représentants les plus importants sont Charley Patton, Son House, Big Joe Williams et Buka White. Leur manière incantatoire de chanter et l'utilisation du Bottleneck (glissement d'une bouteille de verre sur les cordes de la guitare) sont les marques de fabrique de ce pur blues du Delta.
Comparé à son homologue du Delta, le blues de l'Est, celui des Appalaches (Tennessee, Kentucky, Carolines…) a moins souffert du racisme parvenant même à intégrer la country et le ragtime des blancs. Le résultat en est un blues gris, plus léger, plus virtuose aussi dont Blind Blake, Reverend Gary Davis et Sonny Terry se font les spécialistes.
Il n'y a donc pas deux états où l'on interprète le blues de la même façon. Cette musique est liée de trop près à la géographie, à la culture, à l'économie du lieu. Tradition africaine dans le Delta, ragtime (Caraïbes ?) dans l'Est, influences hispano-mexicaines au Texas. Comme d'autres états du sud-ouest, le Texas a développé un blues souvent humoristique accompagné d'un piano ou d'une guitare aux arpèges "flamenco". Ses musiciens ambulants et charismatiques, Blind Lemon Jefferson, Leabelly (libéré du bagne où il était condamné à perpétuité pour meurtre par un découvreur de talents) et Texas Alexander ont su habilement combiner les hollers et leurs compositions personnelles.
Pendant que les musiciens noirs du sud font perdurer le blues pur souche, ceux qui ont émigré vers les centres industriels de Memphis, Saint-Louis et Chicago à la recherche d'argent et de la liberté raciale (rarement acquise) vont urbaniser le blues, le rendre plus "respectable".
Blues des villes
Une ville, un blues. Memphis… Memphis blues, Chicago… Chicago blues.
Tout comme certains blues du sud ont pu s'identifier à une région, les villes vont chacune enfanter le leur. A commencer par Memphis, la première grande ville quand on remonte le Mississippi. Memphis marque le début d'une nouvelle ère pour le blues. Les préoccupations de la ville, divertissements, goût pour la danse vont transformer le blues rural : discipline rythmique, propos plus léger, apparition de nouvelles formations, élargissement du public.
Le Memphis Jug Band, le représentant le plus populaire des ensembles à cordes (guitare, violon, banjo, contrebasse auxquels s'adjoint le jug, un cruchon vide dans lequel on souffle tout en fredonnant) bénéficie d'une publicité révolutionnaire : la première émission de radio à destination du public noir, animée par le célèbre W.C. Handy. Memphis Minnie, Sleepy John Estes, Furry Lewis, passent également sur ces ondes. Tout se met en œuvre pour que le blues franchisse les frontières : émissions de radio, concerts. Néanmoins, les seuls studios de qualité sont à Chicago. Les musiciens de Memphis et de Saint Louis (les pianistes Roosevelt Sykes et Leroy Carr) doivent donc enregistrer leurs disques dans la future capitale du blues.
Chicago, terminus de la voie ferrée en provenance du Delta. La "cité des vents" devient vite avant la guerre le rendez-vous obligé des bluesmen désireux d'enregistrer leur musique dans de bonnes conditions ; désireux également de se produire dans les clubs et de figurer sur le catalogue du label référence Bluebird de Lester Melrose. Conséquences : le blues perd son charme sauvage mais devient plus efficace et plus compréhensible pour un public de non-initiés. Le virage est pris par "Washboard" Sam, Big Bill Broonzy, "Sonny boy" Williamson" ou Big Macéo avant que l'électrification des instruments et la seconde guerre mondiale ne marquent une évolution radicale du genre.
Considéré comme la musique populaire par excellence, le Fado est pratiqué essentiellement dans les cafés et les cabarets du Portugal. Il est apparu au 19ème siècle à Lisbonne et ses origines sont aussi discutables que diverses. On reconnaît des rythmiques importées par les esclaves africains, des traditions arabo-andalouses, mêlées aux musiques de cour portugaises. Pour les chanteurs de Fado, il ne serait rien d'autre qu'un chant en solo. Il fût colporté à la fois par les marins et voyageurs sensibles à ce chant nostalgique ainsi que par les poètes qui lui offrirent leurs plus beaux textes. La première Fadista (chanteuse de Fado) fût "la Severa" née en 1820, prostituée, dont les chants exprimaient déjà aussi bien la mélancolie que l'extase. Cet emblème de tout le Portugal qu'est le Fado évolua ensuite selon les régions et les quartiers de Lisbonne, traîna dans les bas-fonds et les bordels. Plusieurs écoles se formèrent : à Lisbonne où il se veut très populaire et narratif, à Coimbra chanté par les étudiants, où il est plus lyrique. Souvent, le chant est accompagné par deux instruments à cordes : la viola (guitare à 4 ou 5 cordes) et la guitarra portugues (luth à long manche). La viola fournit l'harmonie et la basse alors que la guitarra improvise les passages qui répondent au chant.
En toutes circonstances, quelles que soient les affinités, la règle du Fado impose au chanteur de se donner entièrement, exclusivement, "jusqu'à ce que la voix fasse mal" dit Maria Da Fé l'une des interprètes actuelles les plus sensibles au Portugal.
Entre espoir et désespoir
Le fado, c'est un état d'esprit, le reflet des sentiments du petit peuple, dont celui intraduisible qu'est la "saudade", une sorte de mélancolie typiquement portugaise. Il est le pur produit de la marginalité portuaire, le destin contre lequel on ne peut rien. La Fadista (fatum en latin signifie destin) doit savoir exprimer l'inéluctable et la fatalité. La jalousie, les conflits politiques et religieux, la vie de quartier en sont les thèmes récurrents. Florilèges d'hommes trompés, de femmes délaissées, de marins perdus, de soldats vaincus. Seul le Fado traduit aussi bien la blessure de l'âme du peuple portugais. Il ne faut pas en déduire pour autant que le Fado est un chant triste. La nostalgie se réjouit d'avoir le manque et le doute. C'est un lieu propice à l'imagination qu'ont exploité bon nombre de poètes mais surtout, Amalia Rodrigues (photo ci-dessous), aujourd'hui encore considérée comme la Fadista qui a révolutionné le Fado par sa présence, sa diction...
La musique au Portugal après la "révolution des Œillets"
La dictature portugaise a utilisé une partie du Fado pour endormir les consciences en valorisant un chant triste, machiste et misérabiliste. Ce n'est donc pas surprenant que certains artistes en 1974 soient allés jusqu'à brûler les archives sur le Fado. Au Portugal, les mutations politiques se font au rythme des chansons : "Grandôla vila morena" de Jose Alfonso sonna la révolte, un véritable hymne populaire repris par tous les partisans. Un écrivain se souvient : " je me rappelle d'une journée de Juillet au Campo Pequeno de Lisbonne (...) José Alfonso chantait (...) des milliers de voix reprenaient le refrain, les poings se serraient...pas de vedettes : les plus célèbres servaient de choristes à des inconnus". On ne peut que reconnaître le réveil des mentalités qu'ont permis des chanteurs comme Vitorino, Fausto ou Sergio Godinho grâce à leurs contestations vocales et leurs revendications sociales.
Il faut bien garder à l’esprit, qu’il existe d’autres formes de musiques au Portugal que le chant Fado. Maria Joao Pires, pianiste classique de renommée internationale, a forcé l’admiration des français à la Cité de la Musique. Carlos Paredes honore la guitare portugaise et compose pour le cinéma, le théâtre. Après beaucoup de frilosité, de passéisme, le paysage musical portugais s’eclaircit et s’enrichit suite au " ras-le-bol" exprimé pendant la révolution des œillets.
Les années 80 furent riches en belles découvertes pops et rocks avec de grandes figures comme Antonio Variaçoes ou Rui Veloso (photo ci-dessous). Le premier cité proposa une musique pop exubérante juste après la révolution, avant de mourir du sida. Quant à Rui Veloso, il est la représentation du rock-blues portugais et déchaîne encore les foules (jeunes ou moins jeunes) après près de quinze ans de carrière. Il a pris le risque de mêler le rock à la langue de son pays avec succès et obtient pour son dernier album "lado lunar" (1995) sept disques de platine. Plusieurs groupes dont G N R, Delphins ont suivi la voie ouverte par Veloso.
La musique au Portugal innove en entrant dans l'ère du multiculturalisme. Elle s'ouvre, entre autres, aux influences africaines et sud-américaines par l'intermédiaire des "Trovante" groupe en place depuis 1976. Mais l'innovation ne s'arrête pas là, le rap par exemple, prend le devant de la scène ou plutôt, Pedro Abrunhosa propulse le rap au devant de la scène puisque son album "Viagems" a tenu longtemps la tête des hits au Portugal. Au sujet de l'image nostalgique de la musique portugaise au regard des européens, il répond : "Moi, je préfère le Fado qui parle de la vie, des gens, de ce qui bouge, celui qui amène les idées".
Néanmoins, aucun de ces artistes n'enterrera le Fado, au contraire, il suscite un regain d'intérêt. Parmi les chanteurs, on peut citer Camané, qui retourne aux sources, perpétue la tradition et est un adepte des concerts champêtres. Misia, Mariza, Katia Guerreiro et Bevinda connaissent un franc succès en France où l'on apprécie leur esthétique musicale et leur sensibilité. La palme de la popularité revient à "Madredeus" au point de se voir consacrer un film par Wim Wenders en 1994 : "Lisbon story". Articulé autour de la voix de Teresa, Madredeus est un groupe de troubadours qui chante la terre, l'espoir et les paysages de leur pays.
Les airs de Fado sont chantés en portugais mais aussi en Créole, en Angola, au Mozambique et surtout au Cap-Vert grâce à la reconnaissance de Césaria Evora. Le Fado est alors tropical : c'est la morna, c’est le Blues des îles.
"Pour devenir quelqu’un, il faut quitter le Portugal" disait déjà Fernando Pessoa, le grand poète futuriste du début du siècle. Aujourd'hui, la règle reste d’actualité. Les artistes portugais connaissent leur succès en dehors des frontières, en France notamment. La chanson navigue sans cesse entre tradition et modernité : Amalia Rodrigues a ouvert la voie à de jeunes talents qui ont apporté leur curiosité pour les musiques étrangères, des moyens électroniques parfois et des créations originales bien souvent. Le Portugal est un pays méconnu et sa musique est injustement oubliée des médias. Elle mérite au contraire une oreille des plus attentive.
Qui ne s'est jamais laissé emporter par la frénésie d'une fanfare ? En Inde, comme ailleurs, elle séduit. Plus encore, elle occupe une place importante dans l'accompagnement musical de toutes les fêtes. Héritées des colons anglais, elles font cohabiter cuivres occidentaux et percussions indiennes dans un répertoire étonnamment varié, souvent accompagnées elles-mêmes de danseuses et de fakirs. Un spectacle de rue grandiloquent.
Des bazars à fanfares !? Quel occidental aurait bien pu imaginer que l'on puisse faire son marché aux fanfares et choisir laquelle rythmera tel ou tel évènement de votre vie ou de votre ville, comme on choisirait un Dj pour une soirée ou un orchestre pour un bal. En Inde, la location de prestations cuivrées est chose courante. Les fanfares sont légion : on recense une centaine de formations par grande ville dont près de 900 pour la seule New Delhi.
Introduites en 1760 pour divertir l'armée britannique du nord de l'Inde, les fanfares fleurirent dans le désert à la vitesse du vent. Chaque gouverneur ou Maharaja se devait d'avoir son orchestre attitré, britannique et impérial d'abord avant d'être indien et populaire dès 1947, date de l'indépendance. Depuis, pas un mariage, pas une fête nationale, pas une cérémonie religieuse n'a lieu sans une procession, fanfare en tête ou en queue, jamais bien loin : l'assurance d'un spectacle haut en couleur.
Une dizaine de musiciens "déguisés" en indiens, héritage kitch de l'imaginaire de couturiers britanniques, babouches au pied, turbans bariolés, donnent le tempo de la fête. Le groove des gros pistons (soubassophone, tuba) et de la grosse caisse assurent la base sur laquelle s'amusent les clarinettes et les Shenais (hautbois nasillard indien) aux volutes orientales et les trompettes "slavement" bluesy qui nous rappellent que ces princes du désert sont les ancêtres des tsiganes. Improvisation et générosité sont les mots d'ordre. Une danseuse entame des arabesques comme des contorsions de cobra pendant qu'un fakir avale un sabre. On assiste à une authentique parade de rue. Les airs folkloriques, chants d'amour, de révolte contre le pouvoir, de dévotion se succèdent, mais pas seulement. Les fanfares indiennes aiment reprendre le répertoire de chansons du cinéma Bollywood et les tubes pop. L'allégresse de la fête indienne.
Dans l’Etat du Pernambouco, pas de samba, de Trios Eletricos ni d’organisation complexe. Ici le Frevo règne en maître. Le Frevo est un rythme frénétique qui est né au XIXème siècle à partir du mélange de musiques européennes et africaines. L’orchestre de Frevo ressemble à nos bandas du sud-ouest auquel on aurait ajouté un surdo (tambour basse en peau). Il est dansé avec des mouvements acrobatiques et rapides. Frevo, c’est également le nom que l’on donne aux carnavals de cette région dont les plus célèbres sont ceux de Recife et Olinda. Pour participer et devenir un vrai passista (et tout le monde le peut) il faut juste se procurer un costume extravagant ainsi qu’une ombrelle multicolore, la sombrinha, et aimer danser durant des heures et des jours au son de l’orchestre.
Il ne reste plus qu’à se mêler au Maracatu, cortège de danseurs et percussionnistes qui suivent une femme portant un étendard avec une calunga, une poupée symbolisant les divinités Orishas du Candomblé. La principale attraction du carnaval d'Olinda, ce sont les marionnettes géantes, les mamulengos qui peuvent mesurer jusqu'à trois mètres de haut. Ce sont de rares exemples du Carnaval tel qu'il a été et continue de l'être depuis plus d'un siècle : une fête populaire, une fête en pleine rue où tout un chacun participe à sa guise.
A nouveau très à la mode aujourd’hui, le Forro désigne à la fois un genre de musique réunissant tous les rythmes du Nordeste brésilien (Xaxado, Coco, Baião, Xote...), mais aussi les fêtes populaires et les bals de cette région où l'on s'enivre de musique et de danse. Quand des Anglais sont venus au Brésil dans les années 20 pour construire les voies ferrées, ils ont commencé par les sertão de l'Etat de Bahia, arides et pauvres.
Pour distraire leurs employés, ils ont construit de grands baraquements. Au départ, ces lieux étaient destinés aux travailleurs et aux habitants avant de devenir de grands bals populaires. Au fil des années, ces lieux ont inspiré de grands poètes, chanteurs, compositeurs comme Luiz « El rei do bahião » Gonzaga, Jackson do Pandeiro et bien d'autres. Ils ont utilisé ces rythmes et styles musicaux, en y ajoutant des paroles qui racontent la vie quotidienne, les amours, ou les problèmes, comme la sécheresse toujours présente dans cette région, qui provoque la famine, la misère, les migrations... Ces chants sont pourtant très enthousiastes et très dansants. Il existe plusieurs variétés de ces rythmes du nord-est : Forró, Cirandas, Emboladas, Baião, Xote, Xaxado, mais aussi Coco, et les Quadrilles de la Saint Jean. Le meilleur exemple du métissage dont s’est nourri le forro est son instrumentation traditionnelle : le sanfona, accordéon hérité des européens, le triangulo et le Pinfano, triangle et flûte amérindiens ainsi que le Zabumba, tambour arrivé d’Afrique.