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Le Fado


Considéré comme la musique populaire par excellence, le Fado est pratiqué essentiellement dans les cafés et les cabarets du Portugal. Il est apparu au 19ème siècle à Lisbonne et ses origines sont aussi discutables que diverses. On reconnaît des rythmiques importées par les esclaves africains, des traditions arabo-andalouses, mêlées aux musiques de cour portugaises. Pour les chanteurs de Fado, il ne serait rien d'autre qu'un chant en solo. Il fût colporté à la fois par les marins et voyageurs sensibles à ce chant nostalgique ainsi que par les poètes qui lui offrirent leurs plus beaux textes. La première Fadista (chanteuse de Fado) fût "la Severa" née en 1820, prostituée, dont les chants exprimaient déjà aussi bien la mélancolie que l'extase. Cet emblème de tout le Portugal qu'est le Fado évolua ensuite selon les régions et les quartiers de Lisbonne, traîna dans les bas-fonds et les bordels. Plusieurs écoles se formèrent : à Lisbonne où il se veut très populaire et narratif, à Coimbra chanté par les étudiants, où il est plus lyrique. Souvent, le chant est accompagné par deux instruments à cordes : la viola (guitare à 4 ou 5 cordes) et la guitarra portugues (luth à long manche). La viola fournit l'harmonie et la basse alors que la guitarra improvise les passages qui répondent au chant.


En toutes circonstances, quelles que soient les affinités, la règle du Fado impose au chanteur de se donner entièrement, exclusivement, "jusqu'à ce que la voix fasse mal" dit Maria Da Fé l'une des interprètes actuelles les plus sensibles au Portugal.

Entre espoir et désespoir
Le fado, c'est un état d'esprit, le reflet des sentiments du petit peuple, dont celui intraduisible qu'est la "saudade", une sorte de mélancolie typiquement portugaise. Il est le pur produit de la marginalité portuaire, le destin contre lequel on ne peut rien. La Fadista (fatum en latin signifie destin) doit savoir exprimer l'inéluctable et la fatalité. La jalousie, les conflits politiques et religieux, la vie de quartier en sont les thèmes récurrents. Florilèges d'hommes trompés, de femmes délaissées, de marins perdus, de soldats vaincus. Seul le Fado traduit aussi bien la blessure de l'âme du peuple portugais. Il ne faut pas en déduire pour autant que le Fado est un chant triste. La nostalgie se réjouit d'avoir le manque et le doute. C'est un lieu propice à l'imagination qu'ont exploité bon nombre de poètes mais surtout, Amalia Rodrigues (photo ci-dessous), aujourd'hui encore considérée comme la Fadista qui a révolutionné le Fado par sa présence, sa diction...



La musique au Portugal après la "révolution des Œillets"
La dictature portugaise a utilisé une partie du Fado pour endormir les consciences en valorisant un chant triste, machiste et misérabiliste. Ce n'est donc pas surprenant que certains artistes en 1974 soient allés jusqu'à brûler les archives sur le Fado. Au Portugal, les mutations politiques se font au rythme des chansons : "Grandôla vila morena" de Jose Alfonso sonna la révolte, un véritable hymne populaire repris par tous les partisans. Un écrivain se souvient : " je me rappelle d'une journée de Juillet au Campo Pequeno de Lisbonne (...) José Alfonso chantait (...) des milliers de voix reprenaient le refrain, les poings se serraient...pas de vedettes : les plus célèbres servaient de choristes à des inconnus". On ne peut que reconnaître le réveil des mentalités qu'ont permis des chanteurs comme Vitorino, Fausto ou Sergio Godinho grâce à leurs contestations vocales et leurs revendications sociales.

Il faut bien garder à l’esprit, qu’il existe d’autres formes de musiques au Portugal que le chant Fado. Maria Joao Pires, pianiste classique de renommée internationale, a forcé l’admiration des français à la Cité de la Musique. Carlos Paredes honore la guitare portugaise et compose pour le cinéma, le théâtre. Après beaucoup de frilosité, de passéisme, le paysage musical portugais s’eclaircit et s’enrichit suite au " ras-le-bol" exprimé pendant la révolution des œillets.

Les années 80 furent riches en belles découvertes pops et rocks avec de grandes figures comme Antonio Variaçoes ou Rui Veloso (photo ci-dessous). Le premier cité proposa une musique pop exubérante juste après la révolution, avant de mourir du sida. Quant à Rui Veloso, il est la représentation du rock-blues portugais et déchaîne encore les foules (jeunes ou moins jeunes) après près de quinze ans de carrière. Il a pris le risque de mêler le rock à la langue de son pays avec succès et obtient pour son dernier album "lado lunar" (1995) sept disques de platine. Plusieurs groupes dont G N R, Delphins ont suivi la voie ouverte par Veloso.


La musique au Portugal innove en entrant dans l'ère du multiculturalisme. Elle s'ouvre, entre autres, aux influences africaines et sud-américaines par l'intermédiaire des "Trovante" groupe en place depuis 1976. Mais l'innovation ne s'arrête pas là, le rap par exemple, prend le devant de la scène ou plutôt, Pedro Abrunhosa propulse le rap au devant de la scène puisque son album "Viagems" a tenu longtemps la tête des hits au Portugal. Au sujet de l'image nostalgique de la musique portugaise au regard des européens, il répond : "Moi, je préfère le Fado qui parle de la vie, des gens, de ce qui bouge, celui qui amène les idées".

Néanmoins, aucun de ces artistes n'enterrera le Fado, au contraire, il suscite un regain d'intérêt. Parmi les chanteurs, on peut citer Camané, qui retourne aux sources, perpétue la tradition et est un adepte des concerts champêtres. Misia, Mariza, Katia Guerreiro et Bevinda connaissent un franc succès en France où l'on apprécie leur esthétique musicale et leur sensibilité. La palme de la popularité revient à "Madredeus" au point de se voir consacrer un film par Wim Wenders en 1994 : "Lisbon story". Articulé autour de la voix de Teresa, Madredeus est un groupe de troubadours qui chante la terre, l'espoir et les paysages de leur pays.

Les airs de Fado sont chantés en portugais mais aussi en Créole, en Angola, au Mozambique et surtout au Cap-Vert grâce à la reconnaissance de Césaria Evora. Le Fado est alors tropical : c'est la morna, c’est le Blues des îles.





"Pour devenir quelqu’un, il faut quitter le Portugal" disait déjà Fernando Pessoa, le grand poète futuriste du début du siècle. Aujourd'hui, la règle reste d’actualité. Les artistes portugais connaissent leur succès en dehors des frontières, en France notamment. La chanson navigue sans cesse entre tradition et modernité : Amalia Rodrigues a ouvert la voie à de jeunes talents qui ont apporté leur curiosité pour les musiques étrangères, des moyens électroniques parfois et des créations originales bien souvent. Le Portugal est un pays méconnu et sa musique est injustement oubliée des médias. Elle mérite au contraire une oreille des plus attentive.

Pendant ce temps là sur Baissedunton...

Pendant ce temps-là sur Baissedunton, des toulonnais agitent le rock en France, Tom Waits rugit encore, des italiens du sud invitent à la danse...

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