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Le blues, des origines aux années 60



Afrique, destination l'Amérique, à fond de cale. Des millions d'esclaves africains font cette traversée, de 1619 à la fin du 19ème siècle, qui les mène dans les plantations cotonnières des états du Sud. Les y attendent l'arrachement à leurs cultures, la séparation d'avec leur famille, la soumission, la misère… des perspectives et des conditions de vie qui habiteront le blues, éternellement.

Une longue histoire
C'est une inconnue, Charlotte Forten, qui, la première, évoque le mot "blues" dans son journal personnel. 14 décembre 1862 : "Je suis rentrée de l'église avec le blues. Me suis jetée sur le lit et pour la première fois que je suis ici, je me suis sentie triste et très misérable". Bien sûr, il n'y a là aucun rapprochement musical mais l'esprit blues est bel et bien présent déjà : cafard, cœur gros, mélancolie, broyer du noir ("to be blue")…

La musique ne tardera pas à rejoindre cette humeur qui n'est pas sans rappeler le fado portugais, la saudade brésilienne, les mornas cap-verdiennes, les ballades d'Afrique de l'Ouest, la tradition de la nostalgie, du mal être chanté. Toutes les formes musicales qui donneront le blues sont imprégnées de culture africaine (voire européenne parfois) et servent la cause du peuple noir américain, la musique étant leur seul et unique espace de liberté, si l'on peut parler de liberté. Les work songs, ces chants de labeur des esclaves, rythment le travail dans les champs de coton et le rendent moins pénible. Un leader, le holler, lance une phrase musicale que reprennent avec ferveur ses compagnons de misère, les fieldhollers.


Ce système de question-réponse inhérent au blues est donc né dans les exploitations, notamment dans la vallée du fleuve Mississippi où la loi de la ségrégation règne en maître. Un besoin de soumettre sa "blanche pensée" qui a débuté dès le premier pied de couleur posé sur le sol d'Amérique : les missionnaires anglo-saxons christianisent par compassion les esclaves à grand coup de cantiques et d'évangiles. Les hymnes baptistes et évangélistes eurent leur effet bienfaiteur puisque, une fois entre les cordes vocales des esclaves, ils devinrent negro spirituals et, par là même, un mode d'expression, le seul autorisé d'ailleurs. Les negro spirituals, scandés par le preacher à ses fidèles, véhiculent la parole divine synonyme d'espoir pour la communauté noire. 


Le futur blues se fait de plus en plus sentir. Son histoire va se lier aux conditions socio-économiques de la guerre de Sécession : développement de l'industrie, disparition progressive des plantations. Les noirs américains doivent, pour une bonne partie, changer d'activité et migrer vers le nord. L'esclave du coton devient esclave sous-prolétaire aux portes des villes dans des cabanes insalubres, en proie à l'alcoolisme, à l'illettrisme. Pauvreté, mépris et instinct de survie collent à la peau de ces noirs américains dont on voit mal comment leur musique aurait pu être gaie ou même optimiste. Qui dit développement de l'industrie dit divertissements, tripots, maisons closes. L'occasion est trop belle pour les musiciens de s'y implanter. C'est ainsi que des songsters, des musiciens-chanteurs-conteurs (l'équivalent du griot africain) souvent handicapés, aveugles ou rejetés par leurs frères vont errer de village en village en échange du gîte, du couvert et d'une bonne bouteille de whisky. 


D'autres musiciens officient au piano dans les bars, au banjo (hérité du banza africain) ou au violon dans les campements et les rues. Les ballades qui ressemblent de plus en plus à du blues sont ainsi colportées malgré les associations secrètes du Ku Klux Klan et des Chevaliers du Blanc Camélia, sont reprises dans le pays, sont modifiées et n'attendent plus qu'à être gravées sur "galette noire". 

Quand le blues rencontre le disque 
Désormais, au début du siècle, le blues est partout, des métropoles du Nord jusqu'au fin fond des états du Sud. Mais paradoxa-lement, ce ne sont pas les disques les plus représentatifs du blues qui vont les premiers tourner sur les gramophones. Les maisons de disques Paramount, Decca, Okeh misent sur des chanteuses de blues issues des spectacles ambulants de music-hall, accompagnées par un orchestre. L'album "Crazy blues" de Mamie Smith en 1920 se vend à 75 000 exemplaires par semaine et marque les débuts enregistrés du blues. 


Les « Classic Blues Singers », Bessie smith, Gertrud"Ma"Rainey, Ida Cox, envahissent les General Stores (bazars du Sud) et les catalogues de vente par correspondance, sans pour autant rencontrer le succès qui va être celui des bluesmen ruraux du Sud, plus proches du public. 


Delta Blues, Texas blues et East blues
Les années 20-30 donnent finalement raison aux amateurs. Les blues du Delta du Mississippi, du Texas et de la côte Est se partagent la vedette. Les états du Mississippi, de l'Arkansas, de l'Alabama, réputés pour leurs lois ségrégationnistes contraignent la communauté noire à l'isolement. Voilà une raison évidente pour que le pays de Tom Sawyer voit naître un blues plus typique, plus authentique, à l'atmosphère déchirante dont les représentants les plus importants sont Charley Patton, Son House, Big Joe Williams et Buka White. Leur manière incantatoire de chanter et l'utilisation du Bottleneck (glissement d'une bouteille de verre sur les cordes de la guitare) sont les marques de fabrique de ce pur blues du Delta.





Comparé à son homologue du Delta, le blues de l'Est, celui des Appalaches (Tennessee, Kentucky, Carolines…) a moins souffert du racisme parvenant même à intégrer la country et le ragtime des blancs. Le résultat en est un blues gris, plus léger, plus virtuose aussi dont Blind Blake, Reverend Gary Davis et Sonny Terry se font les spécialistes.




Il n'y a donc pas deux états où l'on interprète le blues de la même façon. Cette musique est liée de trop près à la géographie, à la culture, à l'économie du lieu. Tradition africaine dans le Delta, ragtime (Caraïbes ?) dans l'Est, influences hispano-mexicaines au Texas. Comme d'autres états du sud-ouest, le Texas a développé un blues souvent humoristique accompagné d'un piano ou d'une guitare aux arpèges "flamenco". Ses musiciens ambulants et charismatiques, Blind Lemon Jefferson, Leabelly (libéré du bagne où il était condamné à perpétuité pour meurtre par un découvreur de talents) et Texas Alexander ont su habilement combiner les hollers et leurs compositions personnelles.




Pendant que les musiciens noirs du sud font perdurer le blues pur souche, ceux qui ont émigré vers les centres industriels de Memphis, Saint-Louis et Chicago à la recherche d'argent et de la liberté raciale (rarement acquise) vont urbaniser le blues, le rendre plus "respectable".

Blues des villes 
Une ville, un blues. Memphis… Memphis blues, Chicago… Chicago blues.
Tout comme certains blues du sud ont pu s'identifier à une région, les villes vont chacune enfanter le leur. A commencer par Memphis, la première grande ville quand on remonte le Mississippi. Memphis marque le début d'une nouvelle ère pour le blues. Les préoccupations de la ville, divertissements, goût pour la danse vont transformer le blues rural : discipline rythmique, propos plus léger, apparition de nouvelles formations, élargissement du public.

Le Memphis Jug Band, le représentant le plus populaire des ensembles à cordes (guitare, violon, banjo, contrebasse auxquels s'adjoint le jug, un cruchon vide dans lequel on souffle tout en fredonnant) bénéficie d'une publicité révolutionnaire : la première émission de radio à destination du public noir, animée par le célèbre W.C. Handy. Memphis Minnie, Sleepy John Estes, Furry Lewis, passent également sur ces ondes. Tout se met en œuvre pour que le blues franchisse les frontières : émissions de radio, concerts. Néanmoins, les seuls studios de qualité sont à Chicago. Les musiciens de Memphis et de Saint Louis (les pianistes Roosevelt Sykes et Leroy Carr) doivent donc enregistrer leurs disques dans la future capitale du blues.






Chicago, terminus de la voie ferrée en provenance du Delta. La "cité des vents" devient vite avant la guerre le rendez-vous obligé des bluesmen désireux d'enregistrer leur musique dans de bonnes conditions ; désireux également de se produire dans les clubs et de figurer sur le catalogue du label référence Bluebird de Lester Melrose. Conséquences : le blues perd son charme sauvage mais devient plus efficace et plus compréhensible pour un public de non-initiés. Le virage est pris par "Washboard" Sam, Big Bill Broonzy, "Sonny boy" Williamson" ou Big Macéo avant que l'électrification des instruments et la seconde guerre mondiale ne marquent une évolution radicale du genre.


Pendant ce temps là sur Baissedunton...

Pendant ce temps-là sur Baissedunton, des toulonnais agitent le rock en France, Tom Waits rugit encore, des italiens du sud invitent à la danse...

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